La Coordination Nationale des Lycées Techniques et Technicum
  L’enseignement technique en question
 
L’enseignement technique en question Atman Bouharira Retraité, Ex-Professeur Technique, Ex-Chef De Travaux,
L’enseignement technique en question
 
Atman Bouharira Retraité, Ex-Professeur Technique, Ex-Chef De Travaux,
Ex- Directeur Des Annexes CAMEMD d’Oran Et De Tiaret
 

Très attentif aux remous provoqués par la décision de transférer l’Enseignement technique vers la Formation professionnelle, largement relatés par la presse nationale depuis quelques semaines, j’ai voulu faire part, à travers ce propos, de mon point de vue d’ancien enseignant de ce pan de l’Education nationale essentiel, pour ne pas dire vital pour l’avenir de notre système éducatif, ainsi que pour le développement de notre industrie en général.

 Il faut dire qu’en l’absence d’informations sur les motivations et les modalités de ce transfert, il y a lieu de s’inquiéter sérieusement et pas seulement sur l’avenir des professeurs, mais aussi sur celui des élèves. En effet, aborder ce problème uniquement à travers la préoccupation sur le devenir des enseignants serait une erreur car, ce qui pourrait s’avérer très inquiétant également serait, à mon sens, l’avenir de l’enseignement technique et de notre milieu industriel d’une manière générale.

 Il y a quelques années (en 1995), lors d’une rencontre nationale sur l’E.T. à Alger en présence de professeurs, de chefs de travaux, de proviseurs, de responsables de l’Education nationale ainsi que de la Formation professionnelle, un cadre du ministère a eu cette réflexion: «Si nous ne sommes pas capables de nous occuper de cet enseignement technique, pourquoi ne pas le transférer vers la formation professionnelle ?». Cette réflexion, qui ressemblait presque à un aveu d’échec, nous a été répétée dans l’après-midi du même jour par un autre responsable du même rang.

 Cela ne m’a pas étonné car, à l’époque, à la direction de l’enseignement technique, il n’y avait qu’un seul responsable issu du technique, animé d’une bonne volonté certes et très honorable par ailleurs, mais dont les fonctions étaient principalement administratives. Comment, dans ce cas-là, réfléchir sur la manière de sortir cet E.T. de l’ornière dans laquelle certains responsables l’ont laissé s’empêtrer ?

 A mon sens, ne sachant pas le pourquoi ni le comment de ce transfert, cette décision me semble pour le moins incompréhensible. En effet, malgré les efforts gigantesques consentis par l’Etat en matière d’infrastructures, d’équipements, de formation, etc., nous n’avons pas réussi à ce jour à définir une stratégie à long terme pour conduire une réforme rationnelle, objective et réaliste de notre enseignement technique, à la lumière des changements, notamment économiques, induits par la mondialisation dont notre pays ne peut échapper.

 Avons-nous tenu compte des progrès techniques et technologiques qui avancent à grands pas ? Et que, de ce fait, actuellement, aucune connaissance ne peut être acquise d’une manière définitive, et que le système de formation en a été bouleversé, que l’ouvrier, le technicien, l’ingénieur sont tenus de remettre en question leurs connaissances tout au long de leur carrière ? On préconise de plus en plus une formation tout au long de la vie.

 Sait-on que depuis quelques dizaines d’années déjà, dans le monde industriel, les méthodes de réflexion et de conception d’un produit ou d’un service ont complètement changé ? Et que tout travail en ce sens doit débuter par le «ciblage» du besoin du client ?

 Par ailleurs, n’y a-t-il pas confusion entre Enseignement professionnel et Formation professionnelle ? Quand on sait que les publics concernés par ces deux systèmes sont différents, que les méthodes pédagogiques sont différentes, que les objectifs de formation sont différents, que la durée de formation n’est pas la même, que l’organisation pédagogique des établissements n’est pas la même.

 S’agissant de la Formation professionnelle, celle-ci s’adresse essentiellement à des adultes pour l’acquisition d’un métier dans un temps relativement court, afin d’occuper un poste de travail d’ouvrier qualifié. Tandis que l’Enseignement professionnel s’adresse aux sortants du collège pour suivre au moins trois années d’études en vue de l’acquisition d’un diplôme permettant, soit d’occuper un poste de technicien de niveau IV en entreprise, soit de permettre la poursuite des études en institut universitaire pour une formation de technicien supérieur, et pour les meilleurs, pouvoir aller jusqu’au diplôme d’ingénieur d’application.

 D’autre part, quand intégrerons-nous l’idée qu’une réforme ne peut se réaliser en deux, trois ou cinq ans ? Qu’une stratégie à long terme doit être établie en tenant compte des changements intervenus à travers le monde, tout en réfléchissant à ce qui pourrait être installé à courte, moyenne et longue échéance ? Quand associerons-nous, enfin, tous les acteurs de l’économie intéressés, notamment le milieu industriel dans toute sa composante, l’administration, les syndicats, l’armée, les enseignants, les inspecteurs, les universitaires, les psychologues, les pédagogues, etc., enfin tous les domaines concernés de loin ou de près par l’E.T. ? Ceci afin d’assurer un réel rapprochement entre l’école et l’entreprise (notion qui doit constituer, à mon sens, un élément fondamental dans toute réflexion sur un système d’enseignement ou de formation). Et ainsi créer un enseignement en constante évolution, en phase avec:

 - les évolutions techniques et technologiques dans le monde, d’une part.
 - la réalité du milieu industriel dans notre pays, d’autre part.

 Un article de presse récent a fait apparaître les inquiétudes des chefs d’entreprises consécutives au grand décalage entre le milieu industriel et notre système de formation dans sa globalité, ainsi qu’à leurs difficultés à trouver un personnel convenablement formé, c’est-à-dire directement opérationnel, sans qu’il soit nécessaire de recourir à des stages complémentaires, souvent longs et coûteux.

En France, comme dans beaucoup de pays européens, la réforme du système éducatif, particulièrement de l’E.T., a commencé au début des années soixante-dix, avec pour cible l’année 2000, où a été mis en oeuvre l’adéquation de l’Enseignement technique et professionnel avec le milieu industriel. Ce travail ne s’est pas arrêté là car les objectifs évoluent en fonction des progrès techniques et technologiques. Chaque nouveauté technique, scientifique ou technologique est introduite dans les programmes d’enseignement, même en cours d’année scolaire, à travers des commissions créées à cet effet. Comme il a été institué des stages en entreprise sérieusement préparés, organisés et dûment validés pour l’obtention du diplôme.

 S’agissant des filières, pourquoi nous sommes-nous limités à quelques-unes seulement ? A savoir la fabrication mécanique, l’électrotechnique, l’électronique, le génie civil et la comptabilité, alors qu’il existe une multitude de domaines pour lesquels le personnel est actuellement formé sur le tas ou hors du pays, quand il n’est pas fait appel directement à des étrangers.

 A titre d’exemple, sait-on que le mécanicien auto traditionnel (souvent adepte du marteau et du burin) ne pourra plus dans quelque temps exercer car, avec les nouvelles technologies introduites de plus en plus dans la mécanique, le technicien réparateur devra avoir un niveau minimum équivalant au baccalauréat, avec de sérieuses notions en électronique et en informatique (cela est vrai pour tous les autres domaines) ?

 Pourquoi ne pas envisager la création de lycées professionnels, comme il en existe partout dans le monde ? Surtout si l’on sait que les infrastructures existent, ainsi que les équipements et le personnel disposé à relever le défi, pour peu qu’on lui permette de se recycler à travers des séminaires sur les nouvelles technologies dont notre enseignement est devenu orphelin.

 En conséquence, une décision de transfert prise avec une telle facilité risque, sans parler des problèmes de déménagement des équipements, de provoquer des dégâts tellement importants que l’avenir de notre enseignement technique et, par extension, du développement de notre industrie, pourrait sérieusement être compromis.

CAMEMD = Centre d’approvisionnement et de maintenance des équipements et moyens didactiques (établissement national dépendant du ministère de l’Education nationale).
 
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